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Les américains débarquent à Haïti

, par Gilles Solard

A cet occasion, nous republions le point de vue d’Yves Pimor, auteur de « logistique » aux Editions Dunod, publié une première fois dans Stratégies Logistique de novembre 2007, illustrant la nécessaire coopération entre les mondes militaires et humanitaires. A méditer !

"Après le tsunami de 2005 (aujourd’hui le tremblement de terre à Haïti, ndlr), on peut se poser des questions sur la capacité logistique de la France et de ses organisations humanitaires d’intervenir très loin dans un contexte difficile. Ces organisations humanitaires avec leur concours de bénévoles dévoués et compétents sont irremplaçables mais ne disposent pas le plus souvent d’une organisation logistique répondant vraiment à leurs besoins. Or les armées et particulièrement l’armée française possèdent une organisation, des méthodes et des moyens, encore insuffisants mais réels, pour intervenir dans ces conditions. La tentation la plus évidente est de faire coopérer les uns et les autres au coup par coup en fonction des circonstances. On peut se demander s’il n’est pas temps de réfléchir à une nouvelle organisation logistique humanitaire et militaire, répondant aux besoins des uns et des autres. On peut certes évoquer les possibilités de création de moyens permanents internationaux mais n’est-il pas de la vocation de la France de montrer la voie en un domaine où les French Doctors sont désormais connus dans le monde entier. Pourquoi pas les French Logisticians ?

Les centaines d’O.N.G. de toute nature sont d’ailleurs bien conscientes des limitations logistiques de leurs interventions. Certaines ne regroupent que quelques dizaines de volontaires occasionnels avec des budgets annuels de quelques millions d’euros. D’autres plus importantes, comme Médecins du Monde ou Médecins Sans Frontières organisent des logistiques d’urgence avec cependant des moyens limités. Certaines regroupent leurs ressources humaines et matérielles par exemple au sein de Glob’Actions pour pouvoir apporter des prestations plus complètes et plus rapides. En 2003, plus de 50 spécialistes de la logistique humanitaire se sont réunis pour la première fois à l’Organisation Mondiale de la Santé à Genève pour étudier ensemble les systèmes de gestion logistique de l’aide humanitaire en situation d’urgence.

Un autre aspect nouveau réside dans l’importance des missions humanitaires confiées aux armées modernes. Les états majors anglo-saxons sont d’ailleurs familiarisés avec les concepts de "civil affairs" et de "civil affairs operations" traduits en France par le concept d’ "Actions civilo-Militaires " (ACM) à partir du sigle OTAN de CIMIC (Civil Military Cooperation). Les armées occidentales n’interviennent plus en effet que dans un contexte idéologique qui leur impose de prendre en compte les besoins des populations civiles en faveur desquelles elles interviennent. Le soutien humanitaire devient donc un objectif nécessaire de toute opération militaire et l’on peut penser que de plus en plus d’interventions effectuées par des armées seront même strictement humanitaires sans volet militaire ou seulement ce qui est nécessaire pour assurer l’ordre et la protection des intervenants. Les armées doivent donc prévoir tout ce qui peut être nécessaire aux populations en assurant un retour à une situation normale : nourriture, eau potable, soin des malades et des blessés, logements provisoires, électricité, télécommunications, matériel scolaire, assistance aux animaux domestiques et aux cultures, etc. L’armée américaine a créé une classe de matériel, la classe 10, pour recouvrir tous ces matériels nécessaires aux affaires civiles.

On peut donc imaginer la projection de missions purement humanitaires mixtes par les organisations logistiques militaires, des "humanitarian aid operations", comme les appelle l’OTAN, dans le cas de tremblements de terre, inondations, guerres : transports jusqu’au lieu d’intervention, gestion d’une zone logistique de théâtre auprès des points de débarquement aérien et maritime, transport à l’intérieur du théâtre d’intervention, base logistique avancée à proximité des lieux d’intervention. Les équipes spécialisées civiles ou militaires pourraient alors intervenir dans tous les domaines nécessaires : hôpitaux de campagne, hébergement, nourriture, soins et gestion administrative des personnes déplacées, réfugiées ou évacuées, remise en état des centrales électriques, installations de distribution d’eau et d’assainissement, gestion des secours, équipes de sauveteurs spécialisés, etc.

La difficulté principale est bien entendu psychologique. Les «  humanitaires » - et cela se comprend – n’ont pas une attirance particulière pour leurs Armées même si sur le terrain les relations sont souvent excellentes entre les uns et les autres mais limitées par nature. Nos militaires n’ont pas envie non plus de perdre de leur indépendance en ce domaine. Mais nos concitoyens, comme d’ailleurs ceux des autres pays européens, se sentent un devoir moral très fort d’intervenir dans le tiers monde chaque fois que se produisent des désastres naturels ou non : tremblement de terre, tsunami, inondations, famines, épidémies, guerres ou désordres insupportables. Ces interventions, y compris les interventions militaires pour rétablir la paix, trouvent un très fort soutien dans l’opinion. Lorsque chaque année quelques uns de mes étudiants font un exposé sur la logistique humanitaire, ces exposés provoquent un exceptionnel enthousiasme et suscitent même peut être quelques vocations.

On peut donc imaginer que notre pays se donne les moyens d’une logistique efficace pour ses interventions extérieures de toute nature. La logistique militaire pourrait devenir humanitaire et militaire, toujours rattachée au Ministère de la défense mais constituant un corps civil à part, dirigé par un « humanitaire » connu. Bien entendu, existerait toujours une séparation entre, d’une part, les Bases de Soutien Divisionnaire, Trains de Combat et une ou deux brigades logistiques qui resteraient purement militaires et, d’autre part, les Etats majors et une ou deux brigades logistiques civiles composées en partie de civils et en partie de militaires hors cadre. Un comité mixte de personnalités venant des deux horizons pourrait conseiller le gouvernement et l’Etat Major Général des Armées et aussi résoudre d’éventuelles difficultés. Une charte préciserait les obligations et les droits de chacun : organisation logistique et organisations humanitaires. Des moyens suffisants et leur utilisation successive dans des contextes différents faciliteraient les actions des uns et des autres. Le caractère humanitaire du budget correspondant faciliterait son acceptation politique. Reste à trouver une formule juridique appropriée mais ce n’est pas le plus difficile.

Un tel projet peut soulever quelques problèmes, tant au sein des armées qu’auprès des organisations humanitaires, mais notre pays a peut être besoin d’une ambition de cette sorte pour montrer qu’il peut être efficace dans la mise en œuvre de ses idées généreuses, projet qui, j’en suis sûr, recevrait l’adhésion enthousiaste de sa jeunesse."

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